Charte de l'école moderne
- adoptée à l'unanimité au congrès de Pau 1968 -
1) L'éducation est épanouissement et élévation ; non pas accumulation de
connaissances, dressage ou mise en condition.
Dans cet état d'esprit nous recherchons les techniques de travail et les
outils, les modes d'organisation et de vie, dans le cadre scolaire et
social, qui permettront au maximum cet épanouissement et cette élévation.
Soutenus par l'oeuvre de Célestin Freinet et forts de notre expérience,
nous avons la certitude d'influer sur le comportement des enfants qui
seront les hommes de demain, mais également sur le comportement des
éducateurs appelés à jouer dans la société un rôle nouveau.
2) Nous sommes opposés à tout endoctrinement.
Nous ne prétendons pas définir d'avance ce que sera l'enfant que nous
éduquons ; nous ne le préparons pas à servir et à continuer le monde
d'aujourd'hui mais à construire la société qui garantira au mieux son
épanouissement. Nous nous refusons à plier son esprit à un dogme
infaillible et préétabli quel qu'il soit. Nous nous appliquons à faire des
élèves des adultes conscients et responsables qui bâtiront un monde d'où
seront proscrits la guerre, le racisme et toutes les formes de
discrimination et d'exploitation de l'homme.
3) Nous rejetons l'illusion d'une éducation qui se suffirait à elle-même
hors des grands courants sociaux et politiques qui la conditionnent.
L'éducation est un élément mais qu'un élément d'une révolution sociale
indispensable. Le contexte social et politique, les conditions de travail
et de vie des parents comme des enfants influencent d'une façon décisive la
formation des jeunes générations.
Nous devons montrer aux éducateurs, aux parents et à tous les amis de
l'école, la nécessité de lutter socialement et politiquement aux côtés des
travailleurs pour que l'enseignement laïc puisse remplir son éminente
fonction éducatrice. Dans cet esprit, chacun de nos adhérents agira
conformément à ses préférences idéologiques, philosophiques et politiques
pour que les exigences de l'éducation s'intègrent dans le vaste effort des
hommes à la recherche du bonheur, de la culture et de la paix.
 
4) L'école de demain sera l'école du travail.
Le travail créateur, librement choisi et pris en charge par le groupe est
le grand principe, le fondement même de l'éducation populaire. De lui
découleront toutes les acquisitions et par lui s'affirmeront toutes les
potentialités de l'enfant.
Par le travail et la responsabilité, l'école ainsi régénérée sera
parfaitement intégrée au milieu social et culturel dont elle est
aujourd'hui arbitrairement détachée.
 
5) L'école sera centrée sur l'enfant. C'est l'enfant qui, avec notre aide,
construit lui même sa personnalité.
Il est difficile de connaître l'enfant, sa nature psychologique, ses
tendances, ses élans pour fonder sur cette connaissance notre comportement
éducatif ; toutefois, la pédagogie Freinet, axée sur la libre expression
par les méthodes naturelles, en préparant un milieu aidant, un matériel et
des techniques qui permettent une éducation naturelle, vivante et
culturelle, opère un véritable redressement psychologique et pédagogique.
 
6) La recherche expérimentale à la base est la condition première de notre
effort de modernisation scolaire par la coopération.
Il n'y a, à l'ICEM, ni catéchisme, ni dogme ni système auxquels nous
demandions à quiconque de souscrire. Nous organisons au contraire, à tous
les échelons actifs de notre mouvement , la confrontation permanente des
idées, des recherches et des expériences.
Nous animons notre mouvement pédagogique sur les bases et selon les
principes qui, à l'expérience, se sont révélés efficaces dans nos classes :
Travail constructif ennemi de tout verbiage, libre activité dans le cadre
de la communauté, liberté pour l'individu de choisir son travail au sein de
l'équipe, discipline entièrement consentie.
7) Les éducateurs de l'ICEM sont seuls responsables de l'orientation et de
l'exploitation de leurs efforts coopératifs.
 
Ce sont les nécessités du travail qui portent nos camarades aux postes de
responsabilités à l'exclusion de toute autre considération.
Nous nous intéressons profondément à la vie de notre coopérative parce
qu'elle est notre maison, notre chantier que nous devons nourrir de nos
fonds, de notre effort, de notre pensée et que nous sommes prêts à défendre
contre quiconque nuirait à nos intérêts communs.
 
8) Notre Mouvement de l'Ecole Moderne est soucieux d'entretenir des
relations de sympathie et de collaboration avec toutes les organisations
oeuvrant dans le même sens.
C'est avec le désir de servir au mieux l'école publique et de hâter la
modernisation de l'enseignement qui reste notre but, que nous continuerons
à proposer, en toute indépendance, une loyale et effective collaboration
avec toutes les organisations laïques engagées dans le combat qui est le
nôtre.
 
9) Nos relations avec l'administration.
 
Au sein des laboratoires que sont nos classes au travail, dans les centres
de formation des maîtres, dans les stages départementaux ou nationaux, nous
sommes prêts à apporter notre expérience à nos collègues pour la
modernisation pédagogique.
Mais nous entendons garder dans les conditions de simplicité de l'ouvrier
au travail qui connaît ce travail, notre liberté d'aider, de servir, de
critiquer, selon les exigences de l'action coopérative de notre mouvement.
 
10) La Pédagogie Freinet est, par essence, internationale.
 
C'est sur le principe d'équipes coopératives de travail que nous tâchons
de développer notre effort à l'échelle internationale. Notre
internationalisme est, pour nous, plus qu'une profession de foi, il est une
nécessité dans notre travail.
Nous constituons sans autre propagande que celle de nos efforts
enthousiastes, une Fédération Internationale des Mouvements de l'Ecole
Moderne (F.I.M.E.M.) qui ne remplace pas les autres mouvements
internationaux, mais qui agit sur le plan international comme l'I.C.E.M. en
France pour que se développent les fraternités de travail et de destins qui
sauront aider profondément et efficacement toutes les oeuvres de paix.