Des articles dans ClartŽ

 

Textes extraits de la biographie en deux tomes Žcrite par Michel BarrŽ CŽlestin FREINET un Žducateur pour notre temps.

https://www.amisdefreinet.org/publication/barre/freineteducateur/freinet-educateur.html

 

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L'ŽtŽ 1922, ˆ l'invitation de son ami allemand Siemss, directeur (chargŽ de cours) d'une Žcole de 14 classes, il se rend en Allemagne et prend rŽellement contact avec l'Žcole de Hambourg qu'il avait si souvent citŽe de rŽputation.

L'ŽtŽ 1923, c'est ˆ Montreux (Suisse) qu'il assiste au congrs de la Ligue Internationale pour l'Education Nouvelle o il rencontre ceux dont il avait lu le nom dans le livre de Ferrire. Nous retrouvons l'Žcho de ces deux voyages dans ClartŽ.

 

Des articles dans ClartŽ

Henri Barbusse qui dirige cette revue proche du parti communiste, en ouvre les colonnes ˆ Freinet. Ce dernier y publie neuf* articles, ŽchelonnŽs de janvier 1923 ˆ juin 1925.

Le premier article (n¡ 29, du 15 janvier 1923), inspirŽ par son rŽcent voyage en Allemagne, traite des instituteurs allemands. Il y insiste sur l'Žcole unique qui rŽunit obligatoirement tous les enfants de 6 ˆ 10 ans. Deux ŽlŽments importants : le conseil des ma”tres, dotŽ de rŽels pouvoirs, et le conseil des parents qui s'occupe des questions matŽrielles et pŽdagogiques mais, par manque de confiance en eux, les parents ne sont pas encore ˆ la hauteur de leur t‰che. Freinet cite en exemple l'Etat de Hambourg qui s'est donnŽ pour but l'instruction de milliers d'ouvriers.

Le second (n¡ 35, du 5 mai 23) Žvoque la morale la•que. Aprs des considŽrations gŽnŽrales sur la morale clŽricale et le dogme la•c nationaliste qui dŽboucha sur la guerre, il conclut en se rŽfŽrant ˆ John Dewey : Il faut, si nous voulons que l'Žcole contribue ˆ la moralitŽ, que nous en fassions une "institution rŽelle et vivante", car "la seule manire de se prŽparer ˆ une t‰che sociale est d'tre engagŽ dans la vie sociale".

Le troisime (n¡ 42, du 1er septembre 23) est consacrŽ ˆ Pestalozzi, Žducateur du peuple. Freinet y insiste particulirement sur le caractre populaire de l'action du grand Žducateur suisse.

Les articles suivants portent le titre commun : Vers l'Žcole du prolŽtariat. Le quatrime (n¡ 47, du 15 nov. 23), donne un long compte rendu du congrs de la Ligue Internationale pour l'Education Nouvelle ˆ Montreux, aprs avoir opposŽ cette "internationale" trs bourgeoise ˆ L'Internationale de l'Enseignement (prolongement de la syndicale et rŽvolutionnaire FŽdŽration de l'Enseignement dont il est adhŽrent).

Congrs honnte, acadŽmique, o l'on Žcoute sans passion, o l'on discute ˆ peine. Beaucoup de directeurs (d'Žcoles privŽes dont les frais d'Žcolage interdisent l'accs aux enfants des familles non privilŽgiŽes). Les instituteurs sont totalement absents. Les pays pauvres, dŽsavantagŽs par le change, sont ˆ peine reprŽsentŽs, les Russes jugŽs trop compromettants. M. Ferrire se fait timide toutes les fois qu'il traite des relations entre l'Žcole et la sociŽtŽ. (...) Un certain M. Wilson dŽcouvre toute la misre capitaliste pour conclure : "Ne crions pas contre le capitalisme. Faisons en sorte que la machine serve vraiment au bonheur humain".

Freinet rencontre le Dr Decroly, le grand pŽdagogue belge, Cousinet, inspecteur franais qui a introduit le travail par groupes, le professeur genevois Baudouin, spŽcialiste de la psychanalyse, CouŽ, le crŽateur de la fameuse mŽthode d'autosuggestion, et aussi le professeur Cizek, de Vienne, qui montre avec des projections ce qu'on peut obtenir, en fait d'art et par la libertŽ des enfants du peuple.

Il est attentif aux expŽriences de Paul Geheeb dans son Žcole de l'Odenwald (Allemagne) : Une libre communautŽ qui est surtout remarquable par la rŽalisation d'un milieu social dont la perfection, au milieu de la sociŽtŽ capitaliste, n'est gure explicable que par l'isolement. On y pratique les bains d'air, corps nu (Žducation sexuelle naturelle), le libre travail aux champs et ˆ l'Žcole, et un enseignement en rapport avec ce nouveau mode de vie. Mais il juge abusif le nombre d'Žducateurs (15 pour une quarantaine d'enfants). Aurait-on mme un gouvernement prolŽtarien tout dŽvouŽ ˆ l'enfance, il serait impossible de recruter consciencieusement un nombre suffisant de ma”tres. (...) Il nous faut donc trouver une autre technique de l'enseignement en commun. (...) Que sera cette technique? Au point de vue discipline, c'est la libre communautŽ scolaire qui libre l'enfant de l'adulte. (...) L'enfant peut beaucoup apprendre de lui-mme; il suffit de lui en donner l'occasion. Il faut cependant que l'adulte intervienne au moment voulu pour h‰ter le dŽveloppement des enfants ou pour prŽvenir leurs erreurs. (...) L'enseignement ainsi compris devient une oeuvre infiniment dŽlicate, qui demande beaucoup de tact et une connaissance approfondie de l'enfant. Nous aurons moins d'Žducateurs (que les Žcoles nouvelles citŽes) mais les Žducateurs devront tre prŽparŽs minutieusement ˆ leur mŽtier.

La conclusion exclut cependant tout sectarisme : La Ligue sera incapable d'obtenir la mise en pratique de principes dont elle aura pr™nŽ la valeur. L'oeuvre de rŽalisation, c'est ˆ nous de l'entreprendre, gr‰ce ˆ notre vivante Internationale. Mais nous aurons souvent ˆ demander conseil ˆ cette Ligue pour l'Education Nouvelle et nous trouverons, dans les livres et revues qui publient les travaux de ses membres, quelques-uns des matŽriaux pour l'Ecole du ProlŽtariat. Freinet est dŽjˆ tout entier dans cette phrase : prendre son bien partout o il se trouve afin de l'utiliser, souvent d'une faon diffŽrente, dans une autre stratŽgie.

Le cinquime article (n¡ 49, du 15 dŽcembre 23) est consacrŽ ˆ la discipline nouvelle, ˆ la libre communautŽ scolaire et aux Žcoles de la rŽvolution. Freinet observe la volontŽ des crŽateurs d'Žcoles nouvelles bourgeoises de les installer en pleine nature : Pour nous, ce choix nous para”t tre une condamnation du systme capitaliste. Il confond un peu rŽgime capitaliste et systme industriel, mais la critique est judicieuse : si un tel milieu est incompatible avec la formation des enfants privilŽgiŽs, pourquoi y laisse-t-on s'Žtioler les autres? Des Žcoles d'esprit analogue - telles que les Žcoles communautaires de Hambourg ou les Žcoles nouvelles de Russie - ont pu vivre et prospŽrer dans un milieu social rŽgŽnŽrŽ par la RŽvolution. Est-ce ˆ dire que les Žcoles futures doivent rechercher la vie fiŽvreuse des usines plut™t que le calme des champs, des montagnes? Les Žcoles seront de prŽfŽrence dans des endroits paisibles, mais vivants (forts et jardins). (...) La RŽvolution s'efforcera de placer l'enfant dans un milieu non pas luxueux mais beau et harmonieux.

Quant ˆ l'Žducation : Au monde nouveau devra correspondre une nouvelle activitŽ et on ne comprendrait pas que, dans une sociŽtŽ o le libre travail sera roi, l'Žcole s'en tint encore aux pratiques dŽsutes d'autoritarisme et de servilitŽ. L'Žcole nouvelle sera nŽcessairement l'Žcole de la libertŽ, (...) milieu basŽ sur la libertŽ sociale et non sur la libertŽ intŽgrale chre aux anarchistes.

Parlant de l'expŽrience de Hambourg : Ces enfants, livrŽs ˆ eux-mmes durant les journŽes de crise rŽvolutionnaires, ne furent pas toujours capables de sortir seuls de l'anarchie. Mais, lˆ surtout o quelque adulte intelligent put les y aider, les bandes d'enfants s'organisrent spontanŽment et s'installrent dans des ch‰teaux et des villas o ils s'instruisirent en commun. Il est cependant probable que, dans bien des cas, ces bandes n'auront pu franchir le stade intermŽdiaire qui est le rgne des meneurs. On observe lˆ dŽjˆ sa mŽfiance ˆ l'Žgard de l'utopie non directive. Pour lui, la libertŽ fait partie des apprentissages sociaux. Il conclut que la libre communautŽ scolaire sera la forme rŽvolutionnaire de l'Žcole du prolŽtariat.

L'article suivant (n¡ 60, du 1er juin 24), intitulŽ La dernire Žtape de l'Žcole capitaliste dŽnonce l'accumulation des connaissances au dŽtriment de l'Žquilibre personnel et de l'harmonie sociale.

Le septime article (n¡ 62, du 1er juillet 24) est consacrŽ ˆ l'Žcole du travail. Faisant la critique de la conception petite-bourgeoise et rŽformiste de l'Ecole du travail allemande, il tŽmoigne d'une rŽelle connaissance de Kerchensteiner, Gauding et Blonsky mais ne semble pas encore conna”tre les idŽes du soviŽtique Pistrak. Freinet prŽconise d'abord pour les enfants les travaux au sein de la nature (cultures, Žlevages, construction d'abris primitifs, Žbauches d'industrie) car ils sont une crŽation constante qui dŽveloppe l'intelligence et la raison, tout en familiarisant avec les premires pratiques scolaires : lire, Žcrire, compter, mesurer, peser, etc. (programme trs proche de Decroly). Mais il va plus loin : A mesure qu'ils acquerront le sens de l'entraide et de la sociabilitŽ, les Žlves accŽderont ˆ un nouveau stade de l'Žducation, celui de la diffŽrenciation lente des mŽtiers. (...) La dernire Žtape sera la division actuelle du travail, caractŽrisŽe par le machinisme. Mais un tel enseignement ne devra pas tre prŽmaturŽ. Une des suggestions de Freinet nous fait songer aux futurs tenants de la RŽvolution culturelle chinoise : L'Žcole doit rester l'Žcole du travail. Non pas exclusivement car nous serons parfois en prŽsence de chercheurs passionnŽs pour les spŽculations intellectuelles pures. Mais du moins l'Žcole devra garder cet autre correctif : tre une branche de la production. Que l'Žtudiant se livre aux fantaisies intellectuelles qui lui plairont, mais pas avant de s'tre acquittŽ de ses premiers devoirs sociaux, c'est-ˆ-dire d'avoir contribuŽ par son travail ˆ crŽer la richesse sociale.

On le voit, avant mme d'avoir transformŽ sa propre classe, Freinet a dŽjˆ dŽfini les grands axes d'une autre pŽdagogie. Les deux articles suivants se reliant ˆ ses nouvelles initiatives pŽdagogiques, nous en parlerons plus loin.

 

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L'essentiel de sa brochure [Un mois avec les enfants russes] est consacrŽ ˆ l'Žducation des enfants soviŽtiques. En plaisantant lŽgrement, on pourrait dire que Freinet admire surtout en URSS l'application des pŽdagogies anglo-saxonnes modernes. J'exagre ˆ peine car il utilise des termes n'ayant rien de russe : les clubs (p. 29), le self-government (p. 23), le Dalton-Plan, mŽthode amŽricaine de travail individualisŽ (p. 32). En fait, il confirme ses propos de ClartŽ : seule la rŽvolution sociale donne sa vŽritable portŽe ˆ l'Žducation nouvelle, contradictoire avec l'injustice et l'exploitation de l'homme qui fondent le systme capitaliste.

 

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Premire diffusion de l'expŽrience

A la suite de ses premiers essais, Freinet Žcrit deux articles pour ClartŽ, toujours sous le titre gŽnŽral Vers l'Žcole du prolŽtariat. . Dans le n¡ 73 (avril 25), avec le sous-titre Les manuels scolaires, il se livre d'abord ˆ une critique : le manuel fatigue nŽcessairement par sa monotonie; il est fait pour les enfants par des adultes; il est un moyen d'abrutissement; il continue ˆ inculquer l'idol‰trie de l'Žcriture imprimŽe; il asservit aussi les ma”tres en les habituant ˆ distribuer uniformŽment la matire incluse ˆ tous les enfants; on moule dŽjˆ l'enfant ˆ la pensŽe des autres et on tue lentement sa propre pensŽe; il faut donc dŽtr™ner le manuel scolaire. Je me contente de citer les ttes de paragraphes dont le dŽveloppement n'a pas toujours la force convaincante qu'il acquerra par la suite. Mais on voit bien la continuitŽ de la pensŽe de Freinet depuis 1920 : l'Žcole capitaliste est une entreprise de conditionnement des enfants; les manuels sont le principal moyen d'asservissement des Žlves comme des ma”tres; il faut donc les remplacer par un autre moyen d'Žducation.

Dans la partie positive de l'article, il montre comment il a fait Žvoluer le cahier de vie conseillŽ par Ferrire pour y rŽunir les textes personnels des enfants. Avec l'imprimerie, il en fait un livre de vie dans lequel l'enfant apprendra ˆ lire puis dŽsirera lire d'autres livres. Il Žvoque le travail de bibliothque (on dirait maintenant recherche documentaire) et le Dalton Plan.

Le second article (n¡ 75, juin 25) porte en sous-titre Contre un enseignement livresque, l'imprimerie ˆ l'Žcole. Un chapeau prŽcise que pour rŽpondre aux questions de plusieurs lecteurs, on a demandŽ ˆ "notre camarade Freinet" de raconter l'application de sa mŽthode. Il dŽcrit donc comment les enfants apportent des sujets de textes qui sont imprimŽs. Ce qui surprend, c'est son anticipation sur une phase suivante, car jusqu'ˆ prŽsent il est seul ˆ imprimer dans une classe. La composition terminŽe, on imprime. Avec une presse ˆ main pourtant rudimentaire, 100 imprimŽs sortent en cinq ou dix minutes (Žvaluation trs optimiste avec ce matŽriel!) : un exemplaire que chacun collera ˆ son livre de vie; quelques exemplaires supplŽmentaires pour les absents. Et parfois, le soir, un petit dŽvouŽ porte les leons du jour ˆ son camarade malade qui se tient ainsi au courant de la vie de sa classe. Trente-cinq imprimŽs sont destinŽs ˆ nos camarades de l'Žcole de J..., quarante ˆ ceux de l'Žcole de F... Et tant™t un grand expŽdiera ˆ leurs adresses ces fragments de vie. Il est vrai qu'ˆ dix heures aussi, le facteur appara”tra, apportant deux envois des Žcoles de J... et de F... Et vous pouvez juger de l'entrain avec lequel nos Žlves vont dŽvorer ces autres fragments de camarades qui habitent bien loin, dans des rŽgions dont ils ne peuvent pas encore se figurer la place, mais dont ils apprennent ainsi la principale vie qui les intŽresse : celle des autres enfants. L'anticipation est tellement saisissante que certains ont voulu deviner quels noms se cachaient sous les initiales de J. et de F. Aucun encore, et si Freinet les connaissait, il serait trop heureux de les citer clairement comme il fera toujours.

On peut penser que c'est en rŽaction ˆ ces articles, peut-tre dŽjˆ au premier, que Durand, instituteur ˆ Villeurbanne, demande comment se procurer une imprimerie et que Freinet lui propose l'Žchange quotidien d'imprimŽs.

Nous savons aussi qu'au congrs syndical de la FŽdŽration de l'Enseignement, en juillet 1925, juste avant le voyage en URSS, Freinet a rencontrŽ Daniel et Wullens. Il est probable qu'il montre alors ses premiers imprimŽs ˆ tous les collgues avec lesquels il discute. Cela ne suscite aucune dŽcision immŽdiate mais produira ultŽrieurement des prolongements.

 

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Une compagne pour la vie
Le 6 mars 26, Freinet Žpouse Elise Virginie Lagier-Bruno*, institutrice des Hautes-Alpes. NŽe le 14 aožt 1898 ˆ Pelvoux (H.A.), d'un couple d'instituteurs ayant eu six enfants (quatre filles et deux garons), sa compagne a ŽtudiŽ ˆ l'Ecole Normale de Gap, de 1916 ˆ 1919, et a exercŽ six annŽes dans plusieurs villages des Hautes-Alpes. Si elle a parfois des accrochages avec l'administration pour la faon vindicative avec laquelle elle revendique ou refuse certains postes, elle impressionne son inspecteur par son talent pŽdagogique, notamment dans l'enseignement du franais. 
Depuis la rentrŽe de 1925, elle se trouve en congŽ sans traitement. Elle a appris la gravure sur bois. En privŽ, elle rappelait parfois que la contrainte du matŽriau lui avait imposŽ une rigueur qu'elle n'aurait pu acquŽrir seule en pratiquant uniquement la peinture. On retrouve lˆ un souci personnel d'exigence que reconna”tront ceux qui l'ont c™toyŽe. Peut-tre a-t-elle alors l'intention d'en faire son mŽtier. Quand elle s'installe ˆ Bar-sur-Loup, au printemps 26, elle grave beaucoup, par exemple pour illustrer la brochure : Un mois avec les enfants russes , puis pour dŽcorer la couverture du journal des enfants de Bar-sur-Loup. On lui doit entre autres l'image du forgeron qui fut longtemps l'emblme de la pŽdagogie Freinet. 
En 1927, elle reoit le prix Gustave DorŽ, comme le prŽcise le livre qu'elle a illustrŽ alors pour la collection Le Livre Moderne IllustrŽ, ŽditŽe par FŽrenczi. Il s'agit d'un roman de Marion Gilbert, intitulŽ Le Joug, dont l'action se situe en Normandie dans la trace de Maupassant.

* D'aprs leur fille, c'est par ClartŽ et gr‰ce ˆ Barbusse qu'ils auraient fait connaissance.

 

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Deux poids, deux mesures

Pour situer l'Žtat d'esprit de l'administration acadŽmique de l'Žpoque, voici quelques documents antŽrieurs trs significatifs.

Le 1er mars 1926, l'Inspecteur d'AcadŽmie de Nice sollicite l'avis du PrŽfet. Il a reu du Ministre de l'Instruction Publique, E. Daladier, une dŽpche demandant la nomination dans son dŽpartement d'un instituteur originaire de l'Isre, actuellement sans emploi, que la maladie de sa femme contraint ˆ rŽsider dans les A.M. Faute de renseignements, l'I.A. de Nice en rŽfre au prŽfet qui, le 8 mars, demande ˆ son collgue de Grenoble tous renseignements utiles sur le compte de cet instituteur, "notamment sur son attitude et ses opinions politiques". Le 10 avril, le prŽfet de l'Isre rŽpond que l'intŽressŽ, en congŽ sur sa demande, a quittŽ Grenoble depuis 3 ans environ. Il Žtait connu comme militant actif du parti communiste, membre de l'ARAC (Association RŽpublicaine des Anciens Combattants) et du groupe ClartŽ. "L'intŽressŽ, trs intelligent, Žtait connu de mes services de police comme Žtant organisateur de rŽunions au cours desquelles il prenait souvent la parole". Il serait, croit-on, rŽdacteur au journal L'HumanitŽ. Le document ne prŽcise pas si l'instituteur a obtenu sa nomination. Un autre document de la mme Žpoque fait penser que non.

 

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Une Žcole conforme aux critres de l'Žducation nouvelle

En 1912, afin de faire le tri entre les Žcoles nouvelles dignes de ce nom et les Žtablissements qui, pour des raisons commerciales ou de simple prestige, s'arrogeraient ce titre, le Bureau International pour l'Education Nouvelle avait ŽnumŽrŽ trente critres, observŽs dans des Žtablissements qu'il connaissait et dŽfinissant un profil idŽal en fonction duquel on pourrait apprŽcier la plus ou moins grande authenticitŽ d'une Žcole dite nouvelle. Voici ces 30 points : 1- l'Žcole est un laboratoire de pŽdagogie pratique; 2- avec internat; 3- ˆ la campagne; 4- en maisons sŽparŽes; 5- avec coŽducation des sexes; 6- avec travaux manuels; 7- dont menuiserie, culture, Žlevage; 8- travaux libres; 9- gymnastique naturelle, bain d'air naturiste; 10- voyages ˆ pied et camping; 11- culture gŽnŽrale; 12- spŽcialisations libres; 13- enseignement reposant sur les faits et l'expŽrience; 14- activitŽ personnelle de l'enfant; 15- respect des intŽrts spontanŽs; 16- travail individuel; 17- travail collectif; 18- enseignement surtout le matin; 19- peu de branches ŽtudiŽes chaque jour; 20- peu de branches par mois; 21- rŽpublique scolaire; 22- Žlection de chefs d'Žquipes; 23- rŽpartition des responsabilitŽs; 24- rŽcompenses ou sanctions positives; 25- punitions limitŽes ˆ la rŽparation des fautes commises; 26- Žmulation; 27- milieu de beautŽ; 28- musique collective; 29- Žducation de la conscience morale; 30- Žducation de la raison pratique. Cette ŽnumŽration Žtait dŽtaillŽe par Ferrire qui prŽcisait que l'Žcole de l'Odenwald (dont Freinet avait ŽcoutŽ le compte rendu de Paul Geheeb ˆ Montreux en 1923) observait les 30 points, d'autres 26 ou une vingtaine.

On peut constater que, malgrŽ ses critiques ˆ l'Žgard de ces Žcoles nouvelles de type Žlitiste et sa volontŽ de crŽer une Žcole prolŽtarienne, Freinet respecte dans son Žcole de Vence pratiquement tous les critres ŽnumŽrŽs, sauf apparemment l'Žlection de chefs d'Žquipes. Sans doute cette conformitŽ n'est-elle pas dŽlibŽrŽe et relve-t-elle de choix Žducatifs convergents que Freinet reconnaissait dŽjˆ dans son article de ClartŽ , 12 ans plus t™t.

 

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ClartŽ : revue dirigŽe aprs la Premire guerre mondiale par Henri Barbusse

 

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Note :

* En fait, 12 articles sont signŽs ou co-signŽs par Freinet.

 

HervŽ MoullŽ