pour une mathématique naturelle
Philippe Lamy
 
La pédagogie Freinet en mathématique.
 
1) Calcul vivant : proposition de Freinet et de ses compagnons avant les années 1970
"Du vivant à la conceptualisation"
 
- A partir d'un contenu traditionnel, nouvelle approche éducative.
- Thème de travail en liaison avec des situations de classe.
- Développement d'outils (fichiers autocorrectifs).
 
2) Mathématique vivante, 1970 < :
 
- Ouverture des champs d'application
- Nouveaux outils pour le travail individualisé et pour l'incitation à la recherche.
 
3) Pratique pédagogique :
 
- Méthode : apport des enfants (vécu et imaginaire), recherche individuelle et interactive
- Outils : Fichiers, livrets programmés, ateliers, logiciels, coin math...
 
Les créations mathématiques
 
Impressionné par les écrits de Freinet sur la méthode naturelle, Paul le Bohec a appliqué cette dernière aux mathématiques. Pendant 25 ans, dans une classe de CP-CE1 (CE2), il a travaillé en méthode naturelle aussi bien en écriture/lecture, qu'en chant, dessin et mathématique.
 
De même que Freinet qui, à propos du calcul vivant, affirmait que les situations de classe suffisaient à apporter les matériaux nécessaires pour que les enfants maîtrisent le calcul, Paul le Bohec pense qu'en appliquant la méthode naturelle aux mathématiques, l'enfant est à même de pouvoir manipuler des concepts mathématiques, qui vont bien plus loin que ce que les enseignants pourraient proposer dans le cadre du programme.
 
Pour autant, il s'agit de prendre en compte les phénomènes de groupe (lieu d'accueil où l'on peut émettre librement des hypothèsesÉ), les spécificités physiologiques (chacun de nous est différent et s'est construit un rapport particulier aux mathématiques) et la possibilité d'accéder librement au savoir accumulé (il ne s'agit pas de réinventer constamment les maths), bref en offrant des circonstance favorables et l'accompagnement aidant de l'enseignant.
 
« Comment voulez vous que des enseignants castrés mathématiquement, puissent donner le jouissance des maths aux enfants » Paul le Bohec
 
Phase de création.
 
La consigne : "A l'aide de chiffres, de points, de lettres, de traits, vous allez faire une création mathématique."
 
Dans la classe, quatre groupes A, B, C, D. Deux groupes (par exemple A et C) passent le lundi, A présentant ses créations. Le mardi B et D, B présentant. A et C, à nouveau le jeudi mais C présente, puis B et D le vendredi, D présentant. Le reste de la classe travaille sur d'autres activités en math ou en TI.
Les créations sont réalisée sur un bloc de papier ou bien directement sur une feuille (A4 ou A3).
Les réalisations sont affichées ou reproduites au tableau, mais tous les élèves ne voient pas obligatoirement leur création prise en compte ou discutée.
 
Ce moment de retour au groupe est important car il va permettre :
 
- La valorisation du travail personnel quand celui-ci est choisi.
- Le reconnaissance du travail de l'autre.
- L'approfondissement par la mise en commun et l'ouverture sur d'autres pistes.
- La découverte d'objets mathématiques mise en lumière par la création.
- La verbalisation qui permet la conceptualisation des réflexions et des recherches qui passent par le tâtonnement.
 
- La référence à des personnes ressources :
- autres enfants du groupe "spécialistes".
- maître (le moins possible).
- correspondants, etc...
 
Rôle du maître :
 
- Envisager rapidement les possibilités mathématiques de la création, en sachant que certaines pistes vues seront perçues par le groupe et que d'autres, non envisagées, risquent de se présenter.
- Laisser émerger les pistes sans les imposer, mais lorsqu'elles émergent, savoir les souligner et aider à fixer les notions qui font jour :
- faire répéter.
- faire (re)formuler.
- faire compléter.
- répéter lui-même un mot-clé.
- faire le lien avec une création qui présentent une même notion ou une notion proche.
 
Le temps :
 
Notion importante. Une création mobilisatrice va resurgir dans les nouvelles créations. Chaque enfant pourra alors y entrer selon son niveau de compréhension, fixer une notion, la reproduire ou la développer dans une nouvelle création.
Ces séances doivent avoir lieu plusieurs fois par semaine afin de créer la dynamique nécessaire.
La mise en place de certaines conditions (proximités des enfants, cercle d'échanges...) permet à la création de s'articuler autour du phénomène de groupe.
 
En complément :
 
« Les mathématiques sont une aspiration à la plénitude » Platon
 
Face à une création, les enfants comme les adultes, éprouvent le besoin de rechercher une loi qui fonctionne. Pourtant « la recherche de sens ne peut aboutir sans un préalable d'associations libres, mélange d'observations allant dans des directions décousues et inattendues » Jacques Lévine
 
- Le groupe/un enfant vérifie en manipulant, en écrivant, en se référant à un exemple réel.
- Il y a continuellement passage de l'abstrait au réel, car on peut partir de l'aléatoire à une application réelle, concrète.
- Au début, difficile pour l'adulte de ne pas intervenir. Sécurité de l'adulte = sécurité de l'enfant.
Le maître peut proposer une solution quand les enfants sont prêts, quand ils veulent trouver.
Ne pas laisser les enfants démunis.
 
- Les créations reflètent également les préoccupations mathématiques des enfants. Ceux-ci présentent des maths à leur niveau, et donc, par exemple, des opérations vont surgir au cours des créations. Il arrive que les pistes explorées sortent du programme, ce qui d'ailleurs est plus intéressantÉ
 
« Même les concepts les plus subtils peuvent être présentés au jeunes très tôt, sans prétention de les leur faire comprendre dans toute leur subtilité, mais afin de donner le goût d'aller plus loin dans les directions qu'ils indiquent.
Il ne s'agit pas d'explorer en détail une contrée nouvelle, mais d'y faire quelque pas pour provoquer l'envie de s'y aventurer plus avant le jour où l'on sera plus armé »
Albert Jacquard
 
Sources :
 
- Compte-rendu atelier créations mathématiques, animé par Paul le Bohec, Journées d'Études ICEM, Hyères 1995.
- Stage du Chantier Math. ICEM, Marly le Roi, octobre 1997.
- Pour une méthode naturelle de mathématiques, Editions ICEM n° 13
- Le texte libre mathématique, Paul le Bohec, Editions ODILON
- Les modes de relations aux mathématiques, Jacques Nimier, MERIDIENS KLINCKSIECK. Chacun, dans sa relation avec les maths, investit ceux-ci différemment. Le « traitement », en cas de difficultés ou d'échec, ne peut-il n'être qu'individuel ?É
- Îuvre pédagogiques, tome 2, Célestin Freinet, SEUIL : Méthode naturelle de lecture
- p. 205 et aprèsÉ Lire aussi dans le prolongement, Méthode naturelle de grammaire.
 
Philippe Lamy
GEPEM