Écoute s'il pleut...
par Guy Biraud
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Avec la tendresse de Pagnol et la cocasserie de Marcel Aymé, vous vous enfoncerez voluptueusement dans le livre d'un conteur né. Dans "Écoute s'il pleut..." Guy Biraud décrit les mystères et les sortilèges d'un bourg vendéen avec ses artisans, l'école de Jules Ferry, l'église toute puissante et l'arrivée du modernisme. Vous le retrouverez à Paris sous l'occupant et comme Georges de Caunes, vous direz: "J'ai eu douze ans pendant deux heures."
Présenté à la télé par PPDA
 
"J'ai terminé le lecture de votre manuscrit malgré beaucoup de livres à lire...
Je n'ai pas réussi à le quitter avant la dernière ligne. J'ai été passionné, c'est un très bon récit d'une époque qui revit complètement, c'est plein de talent et de nostalgie.
J'ai eu douze ans pendant deux heures." Georges de Caunes
in octavo Editions tel 0130998844

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extrait du livre de Guy Biraud
Jules Verne à Nantes
BRUTUS VILLEROI
Monsieur Robin, notre instituteur, nous lisait en fin d'année dans les journées paresseuses qui séparent le Certificat d'Études des grandes vacances des pages de notre Histoire.
Comme il avait une petite maison à Noirmoutier, il nous lisait l'histoire oubliée de cet homme fabuleux, Brutus Villeroi, le pionnier des sous-marins.
Cette page de notre Histoire est aussi un chapitre de l'Histoire du monde.
Le 10 août 1832, dans l'île de Noirmoutier, au lieudit La Claire, il se passa un événement considérable, dont les revues des sociétés savantes de Vendée et d'Anjou donnèrent des comptes rendus qui bouleversèrent leurs abonnés.
Le professeur adjoint Brutus Villeroi effectuait alors dans l'île un remplacement chez les frères des Écoles chrétiennes. Il avait convoqué pour son expérience des ingénieurs de la marine, des chroniqueurs des feuilles régionales et quelques collègues à quatre bras de l'enseignement confessionnel.
Soutanes, képis, redingotes, barbes des savants et jupes claires des dames s'agitaient dans une clairière sableuse à la lisière de la forêt de mimosas.
Brutus Villeroi arriva, transformé en marin-pêcheur, remorquant un étrange appareil poussé par deux matelots sur une charrette à bras. Il salua la docte compagnie et déclara:
"Mesdames, messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter mon bateau-poisson qui a été entièrement conçu et construit par moi. Ce bateau est insubmersible et il a le privilège de naviguer sous les eaux."
Les messieurs et les dames se regardèrent, abasourdis. Ils examinèrent cette boîte oblongue qui ressemblait à un marsouin de bois, qui s'ouvrait par le couvercle pour laisser pénétrer le pilote et qui était munie à chaque extrémité d'ailerons latéraux comparables à des nageoires de requin.
A l'avant, une épaisse paroi de verre translucide était incrustée dans la coque pour permettre au navigateur de guider son appareil sous la mer.
L'orateur poursuivit son exposé:
Je vous ferai observer qu'il n'a rien de comparable avec la cloche à plongeur de Léonard de Vinci, ni avec les scaphandres dessinés par le même inventeur. Il n'est pas relié à la terre, et il peut naviguer à une profondeur de trente ou quarante mètres sous les eaux. Je vais avoir l'honneur de faire évoluer l'appareil devant vous..."
Les aides poussèrent le chariot jusqu'à la plage, défirent les aussières et les cordages qui le maintenaient aux attelles, et le bateau-poisson s'immobilisa sur le sable humide. Le pilote entra avec précaution, se cala sur le siège avec agilité, agita le bras en signe d'adieu, referma le couvercle et, vigoureusement poussé par les deux matelots, le bateau-poisson s'enfonça sous les flots de l'Atlantique.
Les spectateurs se regardèrent, ahuris. "Il y a quelque sorcellerie, dit un curé. - Ou quelque supercherie.
- Ou un propulseur inconnu à l'intérieur, dit un savant.
- Il va se noyer", dit une dame.
Et pendant vingt minutes on scruta la mer.
Le journaliste de l'Album vendéen qui observait l'horizon avec une jumelle marine poussa brusquement un cri de triomphe:
"Je le vois, il a atterri sur le continent. Il nous fait de grands signes."
Tout le monde se rua sur les jumelles. "C'est vrai, c'est lui..."
Et sur la côte de Fromentine, le premier vainqueur de la traversée du Gois sous les eaux agitait les bras en signe de victoire. Une flottille de barques de pêche fit voile pour escorter le bateau-poisson. Un quart d'heure plus tard il émergeait au lieu-dit La Claire, devant une assistance enthousiaste, délirante. Brutus Villeroi reçut l'accueil que devait connaître Blériot sur les falaises de Douvres.
La vie de Brutus Villeroi a été marquée par des plongées mystérieuses et des émergences spectaculaires, comme on pourra en juger à l'aube de Vingt Mille Lieues sous les mers. Ses biographes vont perdre une première fois sa trace pendant dix années. Une seconde fois pendant vingt années.
Évoquons pour l'instant sa première résurgence.
En 1842, une décennie après son éclatante démonstration de Noirmoutier, nous retrouvons Brutus Villeroi professeur de dessin et de mathématiques au collège Saint-Donatien, où vient de s'inscrire l'élève Jules Verne. La chronique locale a salué ce professeur hors série comme un grand précurseur. Il jouit d'un prestige incontestable parmi ses élèves.
Rêvons un peu. Aucun témoignage, aucun manuscrit ne nous autorise à mettre en lumière l'amitié du professeur et de l'élève. Rien, sinon l'article d'un M. Gignoud. En dehors de cet article, il ne nous reste que la logique. Comment l'élève Jules Verne, que ses camarades décrivent occupé à couvrir ses cahiers de plans et de maquettes de machines volantes, eut-il pu ignorer son professeur de dessin? Lui qui, selon ses condisciples, traçait au tableau noir le schéma d'un éléphant- omnibus- à-vapeur, ne se serait pas ouvert à Brutus Villeroi de ses rêves visionnaires? Impensable. Impossible.
Regardons-les, le maître et l'élève, entre les murs du vieux collège à la rentrée d'octobre, sous les platanes séculaires dont le vent d'automne émiette les couronnes, et imaginons leur dialogue dans la cour jonchée de feuilles rousses et des premières bogues des grands marronniers. Avec quelle avidité l'enfant Jules Verne se fait raconter l'incroyable aventure de la plongée dans l'océan! Avec quelle volupté il recueille les confidences de l'explorateur des abysses noirmoutrines ! Extravagant, direz-vous? Bien sûr. Qui les a vus ? Qui les a entendus ? Et cela serait peut-être pure aberration si trente ans après la cour et le préau ne surgissait le Nautilus...
C'est peut-être encore un hasard - mais ce sont les répétitions des présomptions qui créent les intimes certitudes - le sous-marin en activité qui présente la plus grande analogie et le plus grand nombre de similitudes avec le fantastique Nautilus est précisément le sous-marin de l'ingénieur Brutus Villeroi, réfugié aux États-Unis et subventionné par la marine américaine.
L'ingénieur a gardé son nom, mais rebaptisé son engin.
Ce n'est plus le bateau-poisson, c'est le bateau-cigare (construit à New York en 1864). A ce jour, aucun sous-marin français n'a été baptisé du nom de Brutus Villeroi.
Dans son sillage je me dois de terminer mon inventaire par un nom qui semble hérité de Hurlevent, le Puy du Fou, qui a acquis des résonances de Festival.
Cette ruine médiévale est devenue le rendez-vous de millions de touristes venus des quatre coins d'Europe.
Philippe de Villiers y a animé, les héros et les héraults, les fables et les légendes des "Vendéens d'avant la Vendée".
Aux mystères de l'Incarnation il a greffé la magie de l'incantation.
Le Puy du Fou illustre et prolonge la saga de notre province et ses figures de proue.
Il ajoute une fête à notre Histoire, une étoile à notre nuit.

paru dans Lire et L'Ircantec